Alexandre Pétion, le Père de notre Démocratie   Leave a comment

Alexandre Pétion:

Le Père de la Démocratie Haïtienne

 Maryse Noël Roumain

 

Jean-Jacques Dessalines, le fondateur de la patrie haïtienne, avait su maintenir l’unité des noirs et des mulâtres, des propriétaires terriens et des travailleurs de la terre, pour bâtir la nation et la protéger contre ceux, particulièrement les colons français, qui voulaient y rétablir l’esclavage et la domination de la France.

Cependant, cette unité étant fragile, la violence fut souvent utilisée par notre père fondateur ; et, suite à un complot secret, Jean-Jacques Dessalines fut assassiné en 1806, deux ans après la proclamation de l’indépendance d’Haïti.

Après sa mort, le pays fut divisé en deux : la partie nord devint un royaume dirigé par Henri Christophe, ou Henri 1er, le grand bâtisseur de forts et de palais parmi lesquels la Citadelle Laferrière et le Palais Sans-Souci ; l’Ouest et le Sud furent dirigés par Alexandre Pétion qui y instaura un gouvernement républicain, une démocratie.

Que sait-on d’Alexandre Pétion ?

Né en 1770 à Port-au-Prince, aujourd’hui notre capitale, il dirigea la partie Sud d’Haïti – qui en fait comprenait l’Ouest et le Sud – de 1806 à sa mort en 1818 de la fièvre jaune, c’est-à-dire pendant douze ans.

Sa mère était une haïtienne noire et son père un riche Français de Saint-Domingue du nom de Pascal Sabès qui l’envoya en France à l’âge de 18 ans, pendant les années de la Révolution Française, pour y recevoir une éducation à l’Académie militaire de Paris. Il devint soldat de l’Armée Française et quand il revint à Saint-Domingue après ses études, il participa à la bataille menée sous la direction de Toussaint et de Dessalines pour exclure les Anglais de Saint-Domingue et y établir la suprématie française.

Alexandre Sabès appartenait donc à la catégorie des gens de couleur libres, et en tant que tel, était un affranchi qui jouissait de droits sociaux et économiques.  Cette catégorie possédait la terre et des esclaves.  Elle n’avait pas cependant de droits politiques et elle lutta, pendant les années de la Révolution Haïtienne, pour la prédominance politique des mulâtres, contre les noirs de Saint-Domingue.

Notamment pendant la fameuse « guerre des couteaux » qui opposa l’armée de Toussaint Louverture à celle du rebelle mulâtre des Cayes, André Rigaud.  Alexandre Pétion, à cette époque, rejoignit la faction de Rigaud et de Jean-Pierre Boyer dans cette guerre qui commença en juin 1799 et qui se termina par la défaite des  mulâtres qui se replièrent sur la ville et le port de Jacmel,  dans le Sud-Est, dont Pétion assura la défense.

L’armée de Toussaint Louverture prit en effet possession de la ville de Jacmel en Mars 1800 et les leaders mulâtres qui avaient rejeté le leadership de Toussaint Louverture et le principe de l’égalité avec les noirs, furent exilés en France.

Quand, en février 1802, le Général Charles Leclerc arriva en Haïti à la tête de plusieurs dizaines de milliers de soldats, pour reconquérir l’île et la placer de nouveau sous la domination de la France et aussi y rétablir l’esclavage, les mulâtres rebelles Rigaud, Pétion et Boyer qui avaient été exilés en France, l’accompagnaient dans l’espoir de conquérir le pouvoir politique  pour la France.

L’armée de Saint-Domingue dirigée par les généraux Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessalines, Henri Christophe et d’autres se lança dans une lutte acharnée contre les forces de Leclerc notamment à la Ravine à Couleuvres et la Crête-à-Pierrot.  Mais Toussaint Louverture fut embarqué pour la France où il mourut au Fort De Joux, dans les montagnes du Jura en 1803.

Pendant la bataille décisive de la guerre de l’indépendance d’Haïti, après la défaite de l’armée française dirigée par Leclerc et Rochambeau, Pétion rejoignit les forces révolutionnaires nationalistes, en 1802.  Il participa avec Dessalines et les autres généraux noirs et mulâtres à la conférence de l’Arcahaie où ils créèrent le drapeau haïtien au cri de Liberté ou la Mort ! Puis, à la proclamation de l’indépendance d’Haïti, le 1er Janvier 1804 sur la place des Gonaïves. Ce fut la réalisation de la fameuse union des noirs et des mulâtres inscrite dans notre drapeau bleu et rouge, qui nous donna l’indépendance !

Après la mort de Dessalines, Henri Christophe voulait un gouvernement pouvant exercer un pouvoir absolu tandis qu’Alexandre Pétion se faisait le champion d’une démocratie pour Haïti.

La Constitution de 1806, de Pétion, établit en effet pour la première fois le Pouvoir Législatif résidant dans un Sénat composé de 24 membres nommés par l’Assemblée Constituante.  Elle établissait aussi un Pouvoir Exécutif et un Pouvoir Judiciaire.

La Constitution de 1806 était composée de 200 articles dont 61 étaient dédiés aux attributions du Sénat qui formait ainsi le corps le plus important du gouvernement, le président n’étant qu’un Magistrat ; ses pouvoirs en effet émanaient du Législatif.  Selon cette constitution, le gouvernement d’Haïti n’est point héréditaire ; il est électif. C’est l’assemblée des sénateurs, eux-mêmes élus du peuple, qui devra choisir le prochain président de la République.

La lutte à l’intérieur de gouvernement d’Alexandre Pétion entre l’Exécutif et le Législatif, c’est-à-dire le Sénat, pour le contrôle du pouvoir, incita Pétion à renoncer à ses idéaux démocratiques.  Face à un Sénat tout puissant, le président se donna le titre de Président à Vie, en 1816, c’est-à-dire 10 ans après la Constitution de 1806, renonçant à ses idéaux antérieurs de démocratie. Un supporteur de la voie élective au début, d’un pouvoir qui serait octroyé par le  peuple à travers ses représentants, Pétion tourna le dos au Sénat et renforça les attributions et le rôle de l’Exécutif en 1816.

La Constitution de 1816 est, en fait, une révision de la Constitution de 1806 et en voici quelques articles essentiels :

–       Elle déclare la ville de Port-au-Prince capitale de la république et le siège du gouvernement ;

–       Elle protège les libertés individuelles décrétant que « nul ne peut être empêché de dire, d’écrire et publier sa pensée » ;

–       Elle protège les droits de l’homme : liberté, égalité, sécurité ;

–       Elle favorise la création d’une Chambre de Représentants des Communes en plus d’un Sénat ;

–       Elle stipule que ni le Sénat ni la Chambre des Communes ne peut s’immiscer dans les causes judiciaires ni dans les activités du pouvoir Exécutif ;

–       Le Pouvoir Exécutif est délégué à un Président à vie qui doit prêter serment devant le Sénat ;

–       La Constitution accorde au Président d’Haïti le droit de désigner le Citoyen qui doit lui succéder.

Les historiens rapportent que la Conseillère de Pétion et de Boyer fut une femme. Elle s’appelait Madeleine Joute Lachenais. On sait qu’elle est née à l’Arcahaie en 1778 ou 1780 et qu’elle est la fille de Marie-Thérèse Fabre et du colon français De Lachenais.  Elle épousa en 1802 le commandant de l’Arcahaie Marc Joseph Laraque de qui elle eut une fille Fine Faubert.  Elle eut deux filles de Pétion Célie et Hersilie et une autre de Boyer, Azema.

Elle favorisa la nomination de Jean-Pierre Boyer pour succéder à Pétion et à la fin du mandat de Boyer, elle quitta le pays d’Haïti pour la Jamaique où elle mourut à Kingston en 1843. Elle régnait dans les coulisses, dans l’ombre et le secret et l’histoire qui a gardé son souvenir ne rapportent pas les détails de son influence sur le pouvoir.

Fine Faubert est connue dans l’histoire de la littérature haïtienne comme étant la première femme écrivain haïtienne.  Née, Joséphine, elle était la fille de Joute Lachenais, la « Présidente de deux Présidents », la femme qui a soutenu par ses nombreux conseils Pétion et Boyer – et de Marc Joseph Laraque.  Les lettres de Fine Faubert à son mari Pierre Faubert ont été publiées par celui-ci en 1847. Ce sont des lettres passionnées et  l’écrivain féministe Marie-Thérèse Colimon a écrit d’elle en 1997 que « Fine Faubert est une perle rare dans le monde littéraire haïtien. » Il s’agit de « lettres touchantes et d’autant plus enflammées et intimes que l’auteur n’entendait nullement les partager avec un public ». (potomitan.info/ayiti/woman et Jasmine Narcisse, Mémoire de Femmes ; Nikita Lamour 🙂

 

 

 

Posted April 29, 2014 by maryseroumain7 in Uncategorized

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