Archive for February 2014

JUIFS HASSIDIQUES ET CARIBEENS: L’ENTENTE EST ELLE BRISEE?   3 comments

No Place to Run

Par

Maryse Noël Roumain

 

Les juifs hassidiques étaient nos voisins proches. Mêmes pâtés de maisons entre les avenues New York et East New York  non loin de la grande artère parallèle boisée, garnie de bancs publics, dénommée Eastern Parkway.

Ils habitaient au cœur du quartier des maisons individuelles propres et rangées entre cour et jardin ; nous, nous étions aux bouts des rues, dans des immeubles de 6 étages un peu vétustes où ils nous louaient des studios, des appartements d’une, de deux ou de trois chambres à coucher ; nous y habitions en famille partageant la chambre avec les nouveaux venus d’Haïti.

Des juifs hassidiques du quartier, nous ne savions pratiquement rien d’autre que leur « accoutrement » plutôt particulier. Les hommes en effet portaient de longues tuniques noires, un chapeau de fourrure de la même couleur. Leurs cheveux étaient coiffés de longues boucles leur tombant sur le côté du visage. Les vêtements des femmes leur couvraient tout le corps du cou au genou. Leurs têtes étaient recouvertes d’une perruque pour cacher leur chevelure attrayante et leur beauté.

Maintenant que je me suis renseignée tant soit peu je sais que les croyances et les pratiques de ces ultra-orthodoxes, peuple élu de Dieu, remontent au 18ème siècle.  Elles leur avaient été inculquées par le fondateur de ce mouvement le Rabin Israel Baal Shem Tov dont la femme, selon la légende, avait donné naissance à un âge très avancé à un fils à l’âme sainte qui créa le mouvement hassidique juif en Europe de l’Est.

Nous n’en savions rien car nos rapports n’étaient médiatisés que par l’unique Mr. Steinberg que nous appelions par ignorance Steinbeck et à qui l’on avait affublé le rôle de superintendant. Mr. Steinberg était connu pour nous refiler un dessus de toilette usagé ou toute autre sorte de combinaison pareille ; aussi nous fîmes-nous à l’idée que les juifs étaient plutôt pingres et qu’ils ne donnaient pas de chauffage à leurs locataires pendant l’hiver.

En Haïti, je n’avais jamais spéculé ou rêvé sur le quartier ou l’immeuble que j’habiterais une fois arrivée à destination à New York.  Le peu de logements construits sur l’ile et les difficultés économiques ne nous laissaient que le choix d’une vie sédentaire.

A New York, les nouveaux quartiers poussaient comme des champignons et de plus les blancs fuyaient les noirs comme la peste pour chercher refuge dans les faubourgs. Quant à ces derniers, surtout les caribéens dont nous faisions partie, ils se cherchaient des logements dans le voisinage des blancs pour ce qu’ils croyaient être une meilleure fréquentation et des meilleures écoles…Et dès qu’ils pointaient le bout de leur nez, les blancs déménageaient à toute vitesse. Car leur présence était signe que le quartier perdait de sa valeur et de sa composition ethnique uniquement blanche. Les blancs n’aimaient pas la diversité ethnique et/ou raciale.

Les juifs hassidiques avaient cette particularité d’être sédentaires.

Le quartier, ils y étaient depuis longtemps.  Il était le leur avant nous. A défaut d’une vie conviviale avec nous, ils choisissaient un voisinage distant.  Ils avaient choisi de vivre autrement, de développer d’une manière différente leur répartition géographique.  Ils constitueraient plutôt des enclaves dont ils concéderaient la périphérie à des gens comme nous, les haïtiens et les autres caribéens.

Des années soixante aux années quatre-vingt, nos ressortissants vécurent en proximité physique quoique distante mais pacifiquement.  Aujourd’hui l’entente doit-elle être faite sur de nouvelles bases ?

 

 

No Place to Run

Par

Maryse Noël Roumain

 

Les juifs hassidiques étaient nos voisins proches. Mêmes pâtés de maisons entre les avenues New York et East New York  non loin de la grande artère parallèle boisée, garnie de bancs publics, dénommée Eastern Parkway.

Ils habitaient au cœur du quartier des maisons individuelles propres et rangées entre cour et jardin ; nous, nous étions aux bouts des rues, dans des immeubles de 6 étages un peu vétustes où ils nous louaient des studios, des appartements d’une, de deux ou de trois chambres à coucher ; nous y habitions en famille partageant la chambre avec les nouveaux venus d’Haïti.

Des juifs hassidiques du quartier, nous ne savions pratiquement rien d’autre que leur « accoutrement » plutôt particulier. Les hommes en effet portaient de longues tuniques noires, un chapeau de fourrure de la même couleur. Leurs cheveux étaient coiffés de longues boucles leur tombant sur le côté du visage. Les vêtements des femmes leur couvraient tout le corps du cou au genou. Leurs têtes étaient recouvertes d’une perruque pour cacher leur chevelure attrayante et leur beauté.

Maintenant que je me suis renseignée tant soit peu je sais que les croyances et les pratiques de ces ultra-orthodoxes, peuple élu de Dieu, remontent au 18ème siècle.  Elles leur avaient été inculquées par le fondateur de ce mouvement le Rabin Israel Baal Shem Tov dont la femme, selon la légende, avait donné naissance à un âge très avancé à un fils à l’âme sainte qui créa le mouvement hassidique juif en Europe de l’Est.

Nous n’en savions rien car nos rapports n’étaient médiatisés que par l’unique Mr. Steinberg que nous appelions par ignorance Steinbeck et à qui l’on avait affublé le rôle de superintendant. Mr. Steinberg était connu pour nous refiler un dessus de toilette usagé ou toute autre sorte de combinaison pareille ; aussi nous fîmes-nous à l’idée que les juifs étaient plutôt pingres et qu’ils ne donnaient pas de chauffage à leurs locataires pendant l’hiver.

En Haïti, je n’avais jamais spéculé ou rêvé sur le quartier ou l’immeuble que j’habiterais une fois arrivée à destination à New York.  Le peu de logements construits sur l’ile et les difficultés économiques ne nous laissaient que le choix d’une vie sédentaire.

A New York, les nouveaux quartiers poussaient comme des champignons et de plus les blancs fuyaient les noirs comme la peste pour chercher refuge dans les faubourgs. Quant à ces derniers, surtout les caribéens dont nous faisions partie, ils se cherchaient des logements dans le voisinage des blancs pour ce qu’ils croyaient être une meilleure fréquentation et des meilleures écoles…Et dès qu’ils pointaient le bout de leur nez, les blancs déménageaient à toute vitesse. Car leur présence était signe que le quartier perdait de sa valeur et de sa composition ethnique uniquement blanche. Les blancs n’aimaient pas la diversité ethnique et/ou raciale.

Les juifs hassidiques avaient cette particularité d’être sédentaires.

Le quartier, ils y étaient depuis longtemps.  Il était le leur avant nous. A défaut d’une vie conviviale, ils choisissaient un voisinage distant.  Ils avaient choisi de vivre autrement, de développer d’une manière différente leur répartition géographique.  Ils constitueraient plutôt des enclaves dont ils concéderaient la périphérie à des gens comme nous, les haïtiens et les autres caribéens.

Des années soixante aux années quatre-vingt, nos ressortissants vécurent en proximité physique quoique distante mais pacifiquement.  Aujourd’hui l’entente doit-elle être faite sur de nouvelles bases ?

 

 

Posted February 8, 2014 by maryseroumain7 in Uncategorized