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Note à Leslie Péan   Leave a comment

La note qui suit est une réponse au texte de Leslie Péan publié sur Alterpresse où il développe 10 considérations se rapportant au blocage à la démocratie en Haïti. J’explique dans ma note pourquoi moi j’ai un point de vue positif en ce qui concerne le passage à la démocratie chez nous.

 

Note à Leslie Péan

 

La Démocratie est-elle Possible en Haïti ?

Par

Maryse Noël Roumain

Depuis 1990, nous n’avons connu qu’une série d’élections ratées parce que frauduleuses et le Conseil Electoral Permanent n’a jamais vu le jour jusqu’à date.  D’où vient donc chez moi cet engouement, cette confiance que la société haïtienne finira par réussir le passage à la démocratie comme le propose notre Constitution de 1987 ? D’où vient ce point de vue qui à défaut d’être optimiste à cent pour cent n’est pas pessimiste à cent pour cent ?

  1. Le Niveau d’Education de Notre Peuple

L’argument selon lequel le niveau d’éducation n’est pas assez élevé en Haïti pour qu’il y ait une démocratie ne tient pas.  Contrairement à la perception de certains, il y a davantage de bibliothèques, davantage d’écrivains, de lecteurs et d’universités, davantage d’élèves passant le bac (207 000).  Et nous n’avons pas fini avec les campagnes d’éducation civique, les programmes d’alphabétisation et autour de la constitution de 1987 ou des constitutions amendées prônant la démocratie.

Depuis 1990, les gouvernements haïtiens ont été aux mains de gens « éduqués » qui ont confisqué le pouvoir et les recettes publiques pour eux, leurs familles et leurs amis et ont basé leurs pratiques sur l’adage konstitisyon se papye, bayonèt se fè.  Aristide, Préval, Latortue et Martelly (des gens éduqués) ont tourné le dos à la promotion de la démocratie chez nous.

Contrairement aux artistes et aux écrivains – éléments privilégiés qui travaillent et s’amusent avec les mots – nous ne pouvons nous laisser dériver dans des considérations sémantiques quand il s’agit d’un système politique inscrit dans notre constitution et pour lequel nombre de politiques et de citoyens ont fait le sacrifice de leurs vies.

  1. Les démocrates militants sont courageux et résilients

Ils ne baissent pas les bras et ne donnent pas gain de cause avant la fin de la lutte, ils n’acceptent pas de perdre la guerre.  Ils la continuent.  De 1915 à 1934, nous avons lutté contre l’impérialisme, contre l’occupation d’Haïti, mais on peut dire que depuis sous Lescot nous luttons pour le pluralisme démocratique, pour la participation du Centre et de la Gauche au pouvoir.  Et ce n’est pas fini.

Chaque nouvelle génération connaît de nouveaux combattants même s’il s’agit de nouveaux martyrs dans beaucoup de cas.  La lutte se renouvelle même si elle se termine par la défaite.

Et la lutte continuera au-delà…car comme je l’écris dans mon livre Rétrospectives : « la démocratie est un idéal qui n’est jamais vraiment atteint. Cet idéal présuppose une lutte pour son développement et sa maintenance et peut comprendre un retour à l’état antérieur. » (p. 48).

  1. Ils ne sont plus qu’une minorité :

La Communauté Internationale suivra si le peuple et ses leaders sont déterminés à instaurer un système démocratique en Haïti.  Ils finiront par réaliser que les macoutes, les militaires, c’est bel et bien fini ; c’est le passé. Ils finiront par rejoindre le camp des démocrates car le communisme c’est aussi le passé même si nous continuons de lutter pour la justice sociale, pour la réduction des inégalités sociales.  Personne à l’heure actuelle ne menace d’accaparer les biens des bourgeois.  Les démocrates au contraire leur demandent d’investir, de créer des emplois et d’être plus justes dans la répartition des salaires et des richesses, d’investir dans la Culture…etc.

La société haïtienne telle qu’elle est n’arrange personne.  De cela nous sommes convaincus et nous devons en convaincre notre classe possédante et la communauté internationale qui la supporte.

Les néo-duvaliéristes ne sont plus qu’une minorité.  Ils ne devraient pas nous effrayer. On finira par se rendre compte qu’elle ne peut plus défendre les intérêts de la bourgeoisie et de la communauté internationale même si elle ne recule pas devant la violence aveugle.  Nous avons l’arme des manifestations populaires qui regroupent le plus grand nombre pour nous défendre contre les forces rétrogrades qui ne cessent de se pulvériser.

  1. Et la situation économique ?

C’est pour moi l’argument-massue : « les conditions de vie n’ont cessé de se détériorer…l’indigence s’est généralisée… » Et les haïtiens sont devenus des macoutes, des délinquants et des criminels…

Cet argument tient-il devant les faits ?

Nous devons les macoutes au Dr. François Duvalier, ce médecin-intellectuel, fondateur de la revue Les Griots, qui a imposé pendant trente ans au pays un règne de terreur et favorisé l’expatriation des classes moyennes vers l’Amérique du Nord et celle des paysans vers les bateys en République Dominicaine.  Et en dépit de tout cela et de ce qui est venu après, la délinquance et la criminalité quoiqu’ayant augmenté demeurent la pratique d’une minorité ; la majorité des sans-emplois se retrouvant dans les manifestations populaires en train de revendiquer pour des élections où leurs voix comptent.  C’est çà la nouvelle donne.  C’est cette réalité que nous devons saisir grace à l’activité cognitive opérée par nos cerveaux d’intellectuels sur ce réel en mouvement quoique lointain. Les temps sont en train de changer. Ce pays pauvre, ces masses misérables sont en train d’accoucher d’une démocratie balbutiante. Ce peuple désarmé qui ayant renoncé au supplice du collier comme arme lutte pour un mieux être et pour les libertés et qui aspire à y arriver par des marches pacifiques, des sit-in, des pétitions, des dialogues, des conférences et des débats ou toute autre méthode non-violente mérite notre solidarité.  Il mérite notre confiance dans l’aboutissement de son combat.

New York, le 3 juillet 2016.

Posted July 4, 2016 by maryseroumain7 in Uncategorized